La réception de Muhteșem Yüzyıl en Roumanie : succès d'audience, légitimation de la culture populaire et réactivation de l'histoire nationale dans la sphère publique
Jonathan Larcher  1@  
1 : École des hautes études en sciences sociales  (EHESS)  -  Website
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), École des Hautes Études en Sciences Sociales [EHESS]
54, boulevard Raspail 75006 Paris -  France

Biography

Doctorant en anthropologie à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, Jonathan Larcher a effectué un travail de terrain dans une communauté de Romi du sud de la Roumanie, Il a réalisé sur place deux films documentaires. Ses recherches sur les représentations de l'ethnicité interrogent les manières dont ce “groupe” est à la fois l'objet d'une culture visuelle et d'une histoire culturelle, et sujet de ces images par l'usage singulier qu'il en fait dans ses discours et ses propres productions visuelles.

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Abstract

À l'arrivée de Kanal Doğan dans le paysage médiatique roumain en 2007, les émissions de contenus turques, au premier rang desquels les séries télévisés, occupent rapidement les prime time de la chaîne. Depuis septembre 2012, Suleyman Magnificul (Muhteșem Yüzyıl) est la série télévisée la plus suivie et se retrouve très fréquemment leader d'audience tout contenu confondu. Le succès de Suleyman Magnificul incite à étudier plus précisément deux de ses dimensions.

L'étude des audiences montre que les publics de la série forment un ensemble beaucoup plus large que le seul segment cible des annonceurs (les urbains âgés entre 18 et 49 ans) et que leur enthousiasme pour la série ne s'étend pas aux autres séries télévisées turques diffusées par la chaîne.

La réception critique des journalistes et chroniqueurs extérieurs aux conglomérats audiovisuels tranche avec l'indifférence avec laquelle ils ont traité les telenovelas roumaines ou étrangères antérieures qui, pour des performances similaires, n'ont jamais fait l'objet d'un tel intérêt. Pour la première fois, un “serial” (ou une “telenovela” selon certains publics et commentateurs) devient un objet culturel légitime. Cette émergence tardive au sein de la sphère publique est d'autant plus étonnante pour un paysage audiovisuel qui a rapidement adopté après sa démonopolisation en 1993 un modèle latino-américain avec des grilles qui consacrent un tiers de leurs programmes aux séries télévisés.

Le corpus étudié confrontera trois éléments :

- Des données de cadrage sur les publics de la série.

- Une analyse de contenu de la presse quotidienne d'information, et des revues culturelles qui proposent des analyses du « phénomène » Suleyman Magnificul, en les inscrivant dans une histoire de la réception critique des séries

- Une comparaison entre les arcs narratifs de la série et ceux des séries télévisées roumaines et étrangères diffusées depuis 2007.

Nous interrogerons les différentes formes de légitimation et critique dont la série a fait l'objet dans l'espace public ainsi que les cadres d'interprétation mobilisés lors de la réception de la série télévisée en Roumanie.

- Les « cadres génériques » tout d'abord ; si cette série de reconstitution historique s'importe bien, comme les K-dramas coréens entre 2010-2012, les sitcoms et séries comiques leaders d'audience sont des productions roumaines. En revanche, les telenovelas roumaines qui ont exploité ce genre de la « fiction patrimoniale » se sont soldées par des échecs.

- Les références à l'univers de la série dans des romans, les émissions de télévision et les revues de vulgarisation scientifiques réinscrivent les éléments de la culture populaire au sein d'une problématique qui relève de l'identité nationale. Ces discours articulent très souvent une remise en question de l'authenticité historique de la série avec des interrogations sur les capacités des médias roumains à proposer de grands récits nationaux.

 


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